L'aquisition du langage : bien faire les choses en se trompant

🙇‍♀️ « Pourquoi vous taisez ça », « Regarder les chevals ». Ça vous dit quelque chose ?
Croyez-le ou non, quand les enfants font ce genre d’erreurs, ils font un grand pas en avant vers la maîtrise complète de leur langue maternelle !

On trouve des preuves de la beauté du cerveau des enfants dans ce qui est un exemple minuscule mais puissant du moteur brillant de l’acquisition du langage : l’application d’une règle et… se tromper !

😌 Lorsqu’ils apprennent à parler, les enfants ne se contentent pas de mémoriser les phrases qu’ils entendent. Ils sont en mesure de dégager les règles mêmes qui guident l’utilisation du langage. Ce talent d’utiliser des règles est ce qui les rend capables de former de nouvelles phrases, de nouvelles combinaisons de mots qu’ils n’ont jamais rencontrées auparavant. C’est pourquoi les erreurs commises par les enfants dans les premières étapes de la production du langage offrent une fenêtre unique sur le fonctionnement interne de leur cerveau et représentent l’une des étapes les plus importantes du développement du langage.

Regardons de plus près le type d’erreurs que font les enfants, et pourquoi ils sont la clé même de la maîtrise du jeu de langage !

🗣 L'étape des premiers mots

Vers l’âge d’un an, les enfants commencent à prononcer leurs premiers mots. Cela se fait principalement en imitant les sons des adultes, et leur utilisation est étroitement liée aux objets ou événements présents, un simple mot comme « eau » pourrait être utilisé pour transmettre un message plus complexe, comme faire une demande : « Je veux de l’eau ».
Au cours de cette étape, les enfants peuvent faire des erreurs de surestimation : ils choisissent souvent un seul mot pour étiqueter plusieurs choses différentes. Ainsi, tout animal à quatre pattes peut devenir un « chien » ou tout homme un « papa ». Inversement, ils peuvent également ne pas étendre le bon mot à d’autres membres de cette catégorie : ceci est connu comme une erreur de sous-extension. Dans ce cas, ils ne qualifieraient pas un berger allemand de « chien » ! Grâce à ce processus, un enfant est capable d’apprendre les représentations mentales à la base même du langage : le lien entre un mot et l’objet auquel il se réfère, ainsi que la relation entre les concepts eux-mêmes.

Le début de langage

👶 Vers l’âge de 18-24 mois, le cerveau des enfants grandit à un rythme impressionnant, des milliards de nouvelles connexions se forment, et c’est à partir de ce moment que l’acquisition du langage progresse le plus. Peu à peu, ils passent de l’« étape d’un mot » à l’« étape de deux mots », c’est ici que nous obtenons le premier aperçu de leur talent sans effort pour appliquer des règles à la langue.

Quelques mois après avoir produit des phrases d’un mot, les enfants commenceront à explorer comment les mots peuvent être combinés pour créer de nouvelles significations : même ce premier discours est étonnamment structuré, habituellement axé sur les noms et les verbes.
C’est durant cette phase que l’on entend des phrases comme « plus d’eau » (je veux plus d’eau). Ce n’est pas le genre de phrase qu’il aurait pu entendre d’un adulte : ils nous enseignent que la langue n’est pas une simple tâche de mémorisation et de récupération, mais un processus productif et créatif. Et comme lors de la pratique de tout processus créatif, parfois les choses peuvent sortir de l'ordinaire.

📝 L'apprentissage en forme de U

A partir d’environ 2 ans, on commence à voir un schéma bizarre : après une période de production correcte de formes même très irrégulières, les enfants passent par une longue étape dans laquelle ils commencent à faire des erreurs. Ce modèle est connu comme l’apprentissage en forme de U : bonne performance suivie de mauvaises performances suivies de bonnes performances à nouveau. C’est un modèle de développement commun dans de nombreux domaines cognitifs, mais il est particulièrement évident et intéressant dans l’acquisition du langage : c’est au cours de ces étapes que nous pouvons observer certains des résultats les plus fascinants du processus inconscient d’apprentissage des règles des enfants.

La surrégulation est le phénomène le plus fréquent qui émerge de ce modèle d’apprentissage en U : les premières erreurs apparaissent lorsque les enfants commencent à modifier les mots afin de transmettre des actions passées ou d’indiquer une forme plurielle. En d’autres termes, quand ils commencent à comprendre comment un mot peut être modifié pour exprimer différentes significations.

Ensuite, ils commencent à comprendre qu’il y a une règle qui peut aussi être utilisée et étendue aux nouveaux verbes : ajoutez simplement « des  » devant un mot et vous parlez au pluriel ! Avec cette nouvelle découverte passionnante, ils étendront ce modèle aux formes irrégulières aussi : « des chevals », « des oeils ».  Cette surégularisation se produit à un rythme presque constant jusqu’aux années d’âge scolaire, et affecte la plupart des verbes irréguliers, ainsi que les formes plurielles irrégulières (p. ex., les yeux).

Une expérience célèbre, le test wug, a montré à quel point l’application de la règle pour former le pluriel vient naturellement aux enfants après 4 ans. Ils le font même avec des mots qui n’existent pas !
Mais quand il s’agit de formes irrégulières, cette application de règles est « bloquée », et le mot correct est récupéré de la mémoire : malgré cela, la mémoire des enfants n’est pas assez forte pour garantir une récupération parfaite. Lorsque cette récupération échoue, la règle est appliquée, ce qui entraîne une sur-réglementation